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Quel avenir pour les agences SEA maintenant que Google Ads est devenu une sorte de black box?


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    Les spécialistes de l'achat de lien sponsorisés doivent repenser leur proposition de valeur alors que la plateforme publicitaire leur donne de moins en moins de latitude dans le paramétrage des campagnes.

    Désireux de séduire des petites et moyennes entreprises qu'il peine encore à attirer (au contraire de Facebook), Google a considérablement fait évoluer Google Ads, sa solution publicitaire phare. Et pour toucher cette longue traîne d'annonceurs, le géant du SEA n'a pas eu d'autre choix que de simplifier une pratique jusque-là réservée à des agences spécialisées. C'est ainsi que des fonctionnalités de smart bidding, où l'acheteur se contente d'assigner un objectif de performance à Google ont fait leur apparition. De même, les rapports sur les termes de recherche que Google fournissait aux marques, pour leur permettre de connaître l'ensemble des requêtes associées aux clics qu'elles ont achetés, ont été sensiblement réduits. Car le discours que Google tient aux annonceurs est désormais le suivant : faites confiance à mon algorithme pour gérer ce que vous faisiez vous-même, manuellement, par le passé. Et il pose fatalement la question du rôle des agences SEA dans ce nouveau paradigme. Quelle sera leur valeur ajoutée alors que l'interface de Google laisse de moins en moins la main aux acheteurs pour paramétrer les campagnes ?

    "Avant, on se contentait de bouger les CPC associés à des mots-clés. Maintenant, on fait de l'AB testing pour travailler le mieux possible des typologies d'audiences"

    Consultant en acquisition digitale, Mathieu Ceccarelli est l'auteur d'une tribune intitulée "SEA : comment ne pas perdre la main face à Google" dans laquelle il s'inquiète du virage blackbox et automatisation pris par Google Ads. "Les enchères que j'assigne à des mots-clés font partie intégrante de ma capacité à bien gérer un compte, déplore Mathieu Ceccarelli. C'est comme si Facebook me disait que je ne peux plus choisir des emplacements chez lui."

    Une certitude, le rôle des experts en SEA va évoluer. Et l'un d'entre eux, le patron de Resoneo France, Sébastien Broussois, y voit plutôt l'opportunité d'aller vers plus de valeur ajoutée. "Avant, on se contentait de bouger les CPC associés à des mots-clés. Maintenant, on fait de l'AB testing pour travailler le mieux possible des typologies d'audience (client, look alike, prospect, data centre d'intérêt) et des formats qui sont beaucoup plus nombreux que par le passé", explique-t-il. Le dirigeant de Resoneo s'escrime désormais à comprendre l'impact de l'algorithme sur les performances de ses clients. "C'est, par exemple, observer ce qui se passe si je mets la moitié de mon budget dans un ROI cible de 12 et l'autre dans un ROI cible de 10." Il s'agit de voir si l'incrément de volume généré par la baisse du ROI cible permet de gagner en rentabilité. "On a déporté un temps un peu crétin, consacré à bouger des CPC, vers des sujets beaucoup plus complexes, où l'on traite d'attribution et d'incrément", assure Sébastien Broussois.

    "L'enjeu, désormais, c'est d'aiguiller les algorithmes de Google vers les objectifs business de la marque"

    "On ne cible plus des mots-clés mais des intentionnistes", confirme Nathalie Bajeux, directrice générale d'Ecselis France. L'époque des listings de mots clés et des reportings sur lesquels les agences passaient des heures est révolue. "L'enjeu, désormais, c'est d'aiguiller les algorithmes de Google vers les objectifs business de la marque", poursuit Nathalie Bajeux. Exemple avec un produit complètement blackbox que Google a sorti récemment : Smart Shopping. Ce dernier permet à un acheteur d'assigner un indicateur de performance (KPI) à Google, une vente sur le site e-commerce le plus souvent, et à laisser l'algorithme décider, tout seul, du produit à pousser pour atteindre cet objectif.

    "Les performances sont généralement très bonnes mais c'est parce que l'algorithme pousse systématiquement les produits qui fonctionnent le mieux", décrypte Nathalie Bajeux. Or, un annonceur n'a pas toujours envie de mettre en avant ce qui fonctionne bien. Le SEA lui permet de créer du trafic vers des produits qui manquent de visibilité, pour amorcer la pompe des ventes, par exemple. Et puis, ce qui se vend bien n'est pas toujours ce sur quoi le vendeur réalise le plus de marge. "Le problème, c'est que l'algorithme agit sans connaître les enjeux business de la marque", résume Nathalie Bajeux. C'est ici qu'interviennent les agences SEA, en analysant le fonctionnement des outils de bidding automatique pour bien les étalonner. Un travail de rétro-ingeneering qui va permettre à l'agence de détourner l'algorithme de ce qui marche naturellement vers ce qui est vraiment stratégique pour son client. "L'année dernière, on a gagné un client retail dont le brief était clair sur ce point : comment gagner en visibilité et mieux comprendre cette black box de Smart Shopping", illustre Nathalie Bajeux.

    "On vient de récupérer un annonceur qui dépensait 5 millions d'euros par an et a fait marche-arrière car il avait du mal à challenger techniquement ses équipes en interne"

    Mathieu Ceccarelli prédit lui aussi que la pratique s'inscrira moins dans une logique de trading-achat, comme c'était le cas il y a une dizaine d'années, que dans une démarche d'analytics et d'attribution. "L'analyse du trafic SEA va devenir clé. Il sera important de comprendre ce que nous apporte Google." En d'autres termes, analyser les taux de rebond, isoler la part de la campagne dans le tunnel de conversion… Chose qui n'est possible qu'en recourant à des solutions analytics tierces, prévient Mathieu Ceccarelli. "Le circuit fermé Google Analytics-Adwords n'est pas sain. Les annonceurs vont devoir trouver des compléments à Google Analytics pour faire les choses correctement." Ils auront également plus que jamais besoin de leur partenaire agence. Notamment ceux pour qui le SEA est un levier important et qui dépensent des dizaines, voire des centaines de milliers d'euros par mois. "On vient de récupérer un annonceur qui dépensait 5 millions d'euros par an et a fait marche-arrière car il avait du mal à challenger techniquement ses équipes en interne", témoigne Sébastien Broussois. Les direction marketing ne peuvent pas faire jouer l'émulation comme le fait une agence spécialisée, qui est construite pour s'auto-challenger.

    "Google met à notre disposition des algorithmes standards qui ne suffisent pas pour nos problématiques les plus sophistiquées"

    "Même des clients qui ont décidé d'internaliser viennent nous voir pour du consulting car ils se rendent compte qu'ils perdent en efficacité", ajoute Sébastien Broussois. Le SEA s'ouvre à de nouveaux métiers, dont la data science, pour comprendre la donnée et la traduire de façon à biaiser de manière positive l'algorithme. "Google met à notre disposition des algorithmes standards qui ne suffisent pas pour nos problématiques les plus sophistiquées. C'est à nous d'aller au-delà", précise Nathalie Bajeux. "Ça ne peut que favoriser des agences qui sont staffées avec des profils seniors", estime Sébastien Broussois. Celles qui, au contraire, s'appuient sur des profils essentiellement juniors, plus dans l'opérationnel que dans l'analyse, peuvent s'inquiéter.

    Même la structuration des campagnes SEA reste clé. "Il faut continuer à segmenter les campagnes, même en automatisé, pour s'assurer de payer le bon coût d'acquisition par tranche et d'éviter de payer un package global incompréhensible", assure Mathieu Ceccarelli. Certes, l'agence n'a plus à paramétrer les niveaux d'enchères pour autant de mots clés. Elle doit en revanche trouver le bon équilibre entre les sujets qui méritent d'être regroupés au sein d'une même campagne pour donner le plus de signaux possibles à l'algorithme et ceux qui doivent faire l'objet d'une campagne à part, car le produit est tellement différent des autres qu'il serait contre-productif que l'algorithme recherche des similitudes. Et puis, si la décision de Google de ne plus montrer l'intégralité des requêtes réelles a beaucoup fait réagir, elle n'aura qu'un impact limité, à en croire Sébastien Broussois. "On parle de 20% des requêtes et ça concerne des mots ultra marginaux, dont l'enchère ne dépassait pas la dizaine de centimes d'euros et qu'on ne pouvait déjà plus gérer individuellement."

    Des termes que les agences ne pouvaient donc plus acheter dans l'interface car ils ne généraient pas assez de requêtes, assure le dirigeant de Resoneo. "J'ai fait l'exercice pour quelques clients, on ne perd pas en compréhension marketing." Reste que l'annonce de Google n'est, sur ce point, pas un bon signal. Sébastien Broussois en convient volontiers : rien ne dit que Google s'arrêtera là. "Ça deviendra un problème le jour où Google abaissera le curseur à 50% des termes, où ne nous donnera plus que le rapport pour le top 10 mais on n'y est pas encore." Nathalie Bajeux se veut optimiste. "Google a besoin des agences pour continuer à grandir… et réciproquement."

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    Author: Bryan Johnston

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